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Mercredi, le 31 janvier 2024
Gyros et salade grecque
Je suis de ceux qui ont grandi avec la série télévisée d’animation franco-japonaise Ulysse 31. Un dessin animé mélangeant mythologie grecque avec de la science-fiction, quelle idée géniale ! Arrivé au collège, je connaissais par cœur le Panthéon grec et un de mes rêves était d’aller un jour à Athènes voir « en vrai » l’un des berceaux de notre civilisation, fasciné par l’héritage que les Grecs antiques nous avaient laissé dans la langue, la philosophie, la politique, la sculpture, le théâtre, l’architecture...
En 2002, inspiré par mes amis de la Gang de Lyon que je retrouvais chaque semaine à un kébab du quartier du Tonkin, je débutais ce blog, j’écrivais ma première nouvelle de fiction qui allait être publiée dans un support professionnel et je terminais mes études en soutenant une thèse de doctorat. Mon travail de recherche n’avait pas grand chose à voir avec mon amour pour l’Antiquité, mais j’avais quand même réussi à glisser dans ma conclusion la citation « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » en lettres grecques qui, selon la légende, ornait le fronton de l’Académie de Platon.
En 2002 sortait aussi l’Auberge espagnole de Cédric Klapisch, réalisateur que je ne connaissais pas bien. J’avais loupé le Péril jeune, qui évoquait les années de lycée à une période où je portais encore des couches, au début des années 1970. Mais dans l’Auberge espagnole, j’avais retrouvé un peu de moi : des études effectuées à l’étranger apportant leur lot de rencontres qui allaient marquer toute la vie, une dernière année à l’université avant d’entrer dans le monde professionnel, et j’avais en plus à peu près le même âge que Romain Duris qui incarnait le personnage principal.
En 2005, l’Auberge espagnole connut une suite : les Poupées russes. Dans ce deuxième volet, Cédric Klapisch s’attachait à dépeindre les problèmes professionnels et personnels de ses personnages. Cette année-là, je mélangeais encore mes deux identités, celle de l’enseignant-chercheur (qui ne m’apportait pas beaucoup de satisfaction, vivant une sorte de creux dans mon activité de recherche) et celle de l’auteur, critique et plasticien, avec un article sur le genre steampunk présenté sous mon pseudonyme au colloque La Science-Fiction dans l’Histoire, l’Histoire dans la Science-Fiction de Nice, une exposition de mes sculptures, un projet de nouvelle et la réécriture de mon roman. Au niveau sentimental, je vivais une histoire que je croyais être plus sérieuse que celles vécues jusque-là, mais qui s’achèvera brutalement dans les premiers jours de 2006.
La trilogie de Klapisch s’est poursuivie avec, en 2013, la sortie de Casse-Tête chinois. Les personnages avaient désormais la quarantaine, avec des enfants ou des désirs d’enfants, et la vie devenait ce fameux casse-tête avec les compromis à trouver entre la vie amoureuse, la vie professionnelle et la vie familiale avec l’arrivée des responsabilités parentales. À cette époque, j’étais devenu un jeune papa, mon activité professionnelle de chercheur connaissait un nouveau souffle mais mon activité d’auteur ou de sculpteur s’éteignait peu à peu...
À la mi-avril 2023, c’est sous forme de série télévisée que nous pouvons suivre la suite de cette trilogie. Cette fois-ci, Klapisch suit les aventures à Athènes des enfants des personnages qu’il nous avait fait découvrir dans ses trois films. Mes enfants sont encore trop jeunes pour partir étudier à l’étranger, ils ont l’âge que j’avais quand je regardais Ulysse 31, mais la grande, collégienne, a malgré tout déjà des projets en ce sens... Cette série résonne encore fort en moi : un peu de nostalgie, et le regard porté sur l’avenir qui retourne au passé, en se disant que l’on a sans doute davantage vécu d’années qu’il n’en reste encore à vivre. Et puis, ma première grande conférence en présentiel post-confinement avait eu lieu justement à Athènes, en juin 2022, non loin de l’Acropole. Une musique revient sans cesse dans ma tête, la chanson « O Pio Kalos Tragoudistis » :
Γεια σου, γεια σου
ποιος σου έκλεψε ας ξέραμε τη χαρά σου...

Klapisch a appelé sa série Salade grecque. Je lui aurai plutôt donné comme titre Gyros, le fameux « sandwich grec », l’équivalent du chawarma arabe ou du döner kebab turc, et qui désigne la rotation de la broche de viande qui se fait rôtir. Dans l’Auberge espagnole, des étudiants vivaient un bouillonnement d’expériences, et dans Salade grecque, les expériences sont vécues par leurs enfants... La boucle est bouclée, c’est-à-dire un cercle, qui se dit en grec : γύρος, gyros.


Mardi, le 3 janvier 2023
Réflexions en vrac sur l’année 2022
Janvier 2022, décès d’Igor Bogdanoff (il y a tout juste un an), moins d’une semaine après la mort de son frère Grichka. Petit hommage à ceux qui m’avaient collé avec fascination devant l’écran de télévision avec l’émission Temps X, dans les années 1980, et qui avaient popularisé la science-fiction dans les foyers de France. Dommage qu’ils aient fini par prendre la science pour de la fiction et la fiction pour de la science et que, trop confiants dans leur bonne santé, ils aient refusé de se faire vacciner contre la Covid-19 qui allait les emporter.

Février 2022, décès du virologue Luc Montagnier, le co-découvreur du virus du sida. Il avait dû être dégoûté qu’avec le SARS-Cov-2 et ses variants, plus personne ne parlait beaucoup du VIH qui avait pourtant fait tant de ravages dans les années 1990. Pour les personnes de ma génération, le sida faisait que la découverte de la sexualité était liée à un risque de mort si on n’osait pas s’acheter des préservatifs.

Mars 2022, décès du journaliste et présentateur télé Jean-Pierre Pernaut. Les rares fois où j’avais eu l’occasion de le voir dans le Journal de 13 heures de TF1, j’avais été choqué par sa capacité à remplacer des informations que je jugeais importantes et graves par des reportages futiles sur des vieux métiers ou des coutumes oubliées dans des lieux perdus.

Avril 2022, décès du chanteur belge Arno. Je l’avais découvert à l’occasion de sa contribution à l’album hommage à Jacques Brel (Aux Suivants). Touchant monsieur.

Le même jour, le 26 mai 2022, décèdent Ray Liotta, Andrew Fletcher, musicien et cofondateur du groupe Depeche Mode, et Alan White, le batteur de Yes. De Ray Liotta, je garde le souvenir de l’une des scènes les plus géniales et écœurantes que j’ai eue l’occasion de voir au cinéma, dans Hannibal, avec ce rôle d’agent du FBI ambigu participant à un repas en tant qu’invité... et partie du menu. J’ai été plus influencé par la musique de Depeche Mode que de Yes, même si Trevor Horn avait fait partie de ce groupe avant de produire les musiques des groupes emblématiques de mon adolescence que furent Frankie Goes to Hollywood, Propaganda, Pet Shop Boys ou Simple Minds...

Juin 2022, décès d’Yves Coppens, le paléontologue français. Son nom reste attaché au fossile d’Australopithèque surnommé Lucy, appelée ainsi car l’équipe écoutait Lucy in the Sky with Diamonds, la chanson des Beatles, au moment de la découverte. Questions sur les origines du nom de cette chanson aux thèmes psychédéliques (allusion à la drogue LSD ou inspiré par un dessin d’enfant ?), questions sur les origines de l’humanité...

Juillet 2022, décès de Charlotte Valandrey. Pour moi, l’actrice reste à jamais la jeune révoltée de Rouge Baiser, sorti en 1985. Le film parlait des amours malheureuses d’une adolescente dans un monde qui perdait foi en l’utopie communiste alors qu’au même moment, dans la vraie vie, s’écroulait l’URSS et que Charlotte apprenait sa séropositivité au VIH...

Août 2022, décès du dessinateur Sempé. Lorsque j’étais doctorant, j’étais tombé sur ces dessins que l’on retrouve par exemple des textes et illustration du petit Nicolas faisant une thèse. Janvier 2022, décès d’Igor Bogdanoff (il y a tout juste un an), moins d’une semaine après la mort de son frère Grichka. Petit hommage à ceux qui m’avaient collé avec fascination devant l’écran de télévision avec l’émission Temps X, dans les années 1980, et qui avaient popularisé la science-fiction dans les foyers de France. Dommage qu’ils aient fini par prendre la science pour de la fiction et la fiction pour de la science et que, trop confiants dans leur bonne santé, ils aient refusé de se faire vacciner contre la Covid-19 qui allait les emporter.

Février 2022, décès du virologue Luc Montagnier, le co-découvreur du virus du sida. Il avait dû être dégoûté qu’avec le SARS-Cov-2 et ses variants, plus personne ne parlait beaucoup du VIH qui avait pourtant fait tant de ravages dans les années 1990. Pour les personnes de ma génération, le sida faisait que la découverte de la sexualité était liée à un risque de mort si on n’osait pas s’acheter des préservatifs.

Mars 2022, décès du journaliste et présentateur télé Jean-Pierre Pernaut. Les rares fois où j’avais eu l’occasion de le voir dans le Journal de 13 heures de TF1, j’avais été choqué par sa capacité à remplacer des informations que je jugeais importantes et graves par des reportages futiles sur des vieux métiers ou des coutumes oubliées dans des lieux perdus.

Avril 2022, décès du chanteur belge Arno. Je l’avais découvert à l’occasion de sa contribution à l’album hommage à Jacques Brel (Aux Suivants). Touchant monsieur.

Le même jour, le 26 mai 2022, décèdent Ray Liotta, Andrew Fletcher, musicien et cofondateur du groupe Depeche Mode, et Alan White, le batteur de Yes. De Ray Liotta, je garde le souvenir de l’une des scènes les plus géniales et écœurantes que j’ai eue l’occasion de voir au cinéma, dans Hannibal, avec ce rôle d’agent du FBI ambigu participant à un repas en tant qu’invité... et partie du menu. J’ai été plus influencé par la musique de Depeche Mode que de Yes, même si Trevor Horn avait fait partie de ce groupe avant de produire les musiques des groupes emblématiques de mon adolescence que furent Frankie Goes to Hollywood, Propaganda, Pet Shop Boys ou Simple Minds...

Juin 2022, décès d’Yves Coppens, le paléontologue français. Son nom reste attaché au fossile d’Australopithèque surnommé Lucy, appelée ainsi car l’équipe écoutait Lucy in the Sky with Diamonds, la chanson des Beatles, au moment de la découverte. Questions sur les origines du nom de cette chanson aux thèmes psychédéliques (allusion à la drogue LSD ou inspiré par un dessin d’enfant ?), questions sur les origines de l’humanité...

Juillet 2022, décès de Charlotte Valandrey. Pour moi, l’actrice reste à jamais la jeune révoltée de Rouge Baiser, sorti en 1985. Le film parlait des amours malheureuses d’une adolescente dans un monde qui perdait foi en l’utopie communiste alors qu’au même moment, dans la vraie vie, s’écroulait l’URSS et que Charlotte apprenait sa séropositivité au VIH...

Août 2022, décès du dessinateur Sempé. Lorsque j’étais doctorant, j’étais tombé sur des textes et illustrations du petit Nicolas passant sa thèse. Indémodable !

Septembre 2022, décès de Jean-Luc Godard. Au début des années 2000, j’avais trouvé un tas de DVD de Godard à petit prix et j’avais commencé à visionner la plupart de ces œuvres. J’avais arrêté sans trop savoir si (1) de nombreux films avaient mal vieillis, (2) il n’y avait pas une certaine escroquerie intellectuelle dans certains de ces films artificiellement complexes ou (3) si je n’étais tout simplement pas passé à côté d’un vrai grand truc vraiment puissant...

Octobre 2022, décès de Pierre Soulages. Pour un peintre, avoir son nom associé à une couleur, c’est un peu le top de la classe. Il y a le bleu Klein, le noir Soulages, le jaune Poussin, le Vert meer...

Novembre 2022, décès de Christian Bobin. Je me rappelle de petits livres précieux de cet auteur que me faisait lire mon amie d’alors. Flagrances de mots, d’images et de toutes sortes de sensations.

Décembre 2022, j’ai cessé d’être un quarantenaire. En 2009, le publicitaire Jacques Séguéla avait dit : « Si à 50 ans on n’a pas de Rolex, on a raté sa vie ». Il me semble plutôt que si, à 50 ans, on croit encore que des signes extérieurs de richesse peuvent être des indicateurs d’une vie heureuse ou non, c’est à ce moment-là que l’on a raté sa vie...
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Septembre 2022, décès de Jean-Luc Godard. Au début des années 2000, j’avais trouvé un tas de DVD de Godard à petit prix et j’avais commencé à visionner la plupart de ces œuvres. J’avais arrêté sans trop savoir si (1) de nombreux films avaient mal vieillis, (2) il n’y avait pas une certaine escroquerie intellectuelle dans certains de ces films artificiellement complexes ou (3) si je n’étais tout simplement pas passé à côté d’un vrai grand truc vraiment puissant...

Octobre 2022, décès de Pierre Soulages. Pour un peintre, avoir son nom associé à une couleur, c’est un peu le top de la classe. Il y a le bleu Klein, le noir Soulages, le jaune Poussin, le Vert meer...

Novembre 2022, décès de Christian Bobin. Je me rappelle de petits livres précieux de cet auteur que me faisait lire mon amie d’alors. Flagrances de mots, d’images et de toutes sortes de sensations.

Décembre 2022, j’ai cessé d’être un quarantenaire. En 2009, le publicitaire Jacques Séguéla avait dit : « Si à 50 ans on n’a pas de Rolex, on a raté sa vie ». Il me semble plutôt que si, à 50 ans, on croit encore que des signes extérieurs de richesse peuvent être des indicateurs d’une vie heureuse ou non, c’est à ce moment-là que l’on a raté sa vie...


Lundi, le 21 décembre 2020
Pain d’épices de Noël, un peu de magie d’Alsace
En ce premier jour d’hiver, et pour tourner la page de cette douloureuse année 2020, apportons un peu de l’esprit de Noël avec une recette de pain d’épices à faire à la maison, à défaut de pouvoir se rendre personnellement au Palais du Pain d’Épices Palais du Pain d’Épices ou sur les marchés de Noël.
C’est une recette préparée à l’aide d’une machine à pain à partir des épices achetées dans une boutique mais que l’on peut trouver en ligne ici.
Cette recette peut se faire aussi sans machine à pain, avec un robot par exemple, ou à la main mais avec beaucoup d’huile de coude.
Les ingrédients nécessaires sont les suivants pour la pâte à pain d’épices :
  • 5 cl d’eau
  • 125 g de beurre ramolli
  • 4 cuillères à soupe de miel liquide
  • 2 cuillères à soupe d’épices à pain d’épices
  • 1 orange non traitée dont on va récupérer le zeste
  • 175 g de sucre semoule
  • 350 g de farine
Pour le glaçage :
  • un œuf dont on ne gardera que le blanc
  • un citron ou un peu de jus de citron
  • 100 g de sucre glace
Zester l’orange.
Hacher finement les zestes.
Couper en petits morceaux le beurre.
Faire ramollir le beurre au four micro-ondes.
Mettre 5 cl d’eau dans la cuve de la machine à pain.
Ajouter les autres liquides : le miel et le beurre fondu.
Mettre le sucre semoule dans la cuve.
Compléter avec les épices et le zeste d’orange.
Terminer avec la farine.
Lancer un programme de pâte sans cuisson sur la machine à pain (ou mélanger au robot ou à la cuillère en bois).
Le mélange se fait peu à peu.
Quand le mélange est bien uniforme, sortir la pâte et l’étaler en une couche d’au moins 5 mm sur du papier sulfurisé.
Laisser reposer au frais pendant une heure.
Utiliser des moules pour découper des formes ou couper des rectangles dans la pâte.
Suivant l’épaisseur de la pâte cuire au four à 190°C entre 10 et 15 mn.
Laisser reposer une heure.
Faire le glaçage en mélangeant le blanc d’œuf avec le sucre glace et quelques gouttes de citron.
Glacer au pinceau les pains d’épices.
Laisser sécher pendant une heure.
Joyeuses fêtes et régalez-vous !


Lundi, le 17 juin 2019
Liège, Kigali, Tunis, Londres, Montréal

Certains événements ont, pour moi, une musique bien particulière. Ainsi en est-il dont des moments les plus perturbants qu’il m’ait été donnés de vivre.

J’ai été particulièrement frappé de découvrir que la musique du générique de la série Netflix Black Earth Rising était You Want It Darker de Leonard Cohen. À mon sens, rien n’aurait pu être plus pertinent que d’associer cette série et une musique de l’artiste canadien qui nous a quitté en 2016.

Dans la fiction, une jeune juriste londonienne, rescapée du génocide rwandais de 1994 et adoptée par une célèbre femme procureure spécialisée dans les affaires criminelles internationales, reprend l’enquête de sa mère qui la mène à des révélations sur ses propres origines.

Dans la vraie vie, cela se passe en Belgique, et cela remonte au printemps 1992. Je n’avais pas encore vingt ans quand je m’étais retrouvé, à l’occasion d’un stage de fin d’études, dans cette ville de la banlieue industrielle de Liège au bord de la Meuse où avaient grandi les frères Dardenne. À mon arrivée ce dimanche après-midi maussade dans ce grand et triste bâtiment où j’allais passer trois mois, j’avais été dirigé vers le responsable de l’internat. Ce dernier m’avait posé une curieuse question : à quel étage souhaitais-je m’installer ? Celui des étudiants français ? Celui des étudiants étrangers ? Celui des étudiants belges en informatique ? Je n’avais pas choisi l’étage de mes compatriotes mais celui de ceux qui étudiaient la même matière que moi. Pourtant, c’est parmi les étudiants étrangers, ceux qui passaient comme moi leurs week-ends à Seraing, que je me suis fait mes meilleurs amis durant cette période. Nous étions quatre garçons inséparables : K. le Belgo-tunisien, A. le Djiboutien, I. le Rwandais et moi. Deux Noirs, deux Blancs. Deux Musulmans, deux Chrétiens. Toutes les combinaisons de couleurs de peau et de religions étaient représentées. K. et A. étudiaient le commerce, I. tout comme moi l’informatique, et c’est avec lui que les liens d’amitié s’étaient les plus serrés pour durer jusqu’à aujourd’hui.

I. était le plus âgé de nous quatre, il avait une formation juridique qui l’avait poussé à passer des concours et quitter sa région natale de Cyangugu pour devenir officier de gendarmerie dans la capitale. Poussé par sa hiérarchie, le lieutenant avait accepté de passer trois ans en Belgique pour acquérir les compétences en informatique dont son petit pays manquait cruellement, laissant là-bas sa jeune épouse et son fils nouveau-né le temps d’obtenir son graduat. Pendant quelque temps, nous avions échangé des tas de lettres et de cartes postales, I. et moi, et c’est par procuration que je découvrais ce petit pays d’Afrique inconnu, ses paysages, sa sagesse proverbiale, complétant mes connaissances par un essai d’ethnologie rédigé par des Pères Blancs trouvé dans la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.

Printemps 1994. Les informations à la radio avaient annoncé l’attentat ayant coûté la vie des présidents du Rwanda et du Burundi. Quelques jours plus tard nous parvenaient les premiers échos de l’horreur. C’était un samedi ou un dimanche, au moment du déjeuner, qu’I. avait appelé au numéro de téléphone familial. Il était encore en vie, sa famille aussi, son accès à une arme de service le protégeant de la folie meurtrière des machettes. Je le sentais perdu, et j’étais tout aussi perdu que lui. Sentiment absolu d’impuissance.

Été 1994. Lorsque j’avais pris pour la première fois l’avion, ce fut pour aller à Tunis, chez K., ses parents et sa grande sœeur. Visites de lieux touristiques, de musées, moments passés à la plage, invitation saugrenue à la résidence de l’ambassadeur lors du 21 juillet, la fête nationale belge, où l’on m’avait fait passer pour un « Belge de Strasbourg » qui ne connaissait pas la Brabançonne. Après-midis trop chauds à regarder le Tour de France, ou la série Angélique en soirée, avec des coupures opérées par la censure aux moments les plus croustillants. La censure, par contre, laissait voir l’horreur des informations. Cadavres innombrables sur les bords des chemins ou dans les rivières. K. et moi, sidérés devant le poste, craignions de reconnaître dans les images des charniers le visage de notre ami. La mélancolique mère de K., une Flamande qui ne s’était jamais trop bien fait à la vie en Afrique du Nord, peignait en écoutant de la musique. Elle me fit découvrir Leonard Cohen dont je ne connaissais que Everybody Knows pour avoir vu le film Pump Up The Volume d’Allan Moyle avec Christian Slater. Je rentrais en France avec des cassettes audio tunisiennes de mauvaise qualité sur lesquelles j’avais enregistré quelques albums de Cohen, dont I’m Your Man et The Future.

Les nouvelles d’I. me parvinrent de manière sporadique quelque temps plus tard, par courrier postal ou électronique. I. avait échappé aux massacres. Il avait fui avec femme et enfant au Zaïre et s’était retrouvé dans un camp de réfugiés. Exploité pour ses compétences informatiques par une ONG, il devait assurer la survie des siens, venant d’être père pour la seconde fois, son autre fils étant né au camp. La situation dans l’est du Zaïre, de précaire devenait intenable avec les signes avant-coureurs de la Première guerre du Congo qui allait éclater en 1996. I. et sa famille d’apatrides avaient entamé un périple dans l’est de l’Afrique, séjournant au Malawi, en Tanzanie, à Arusha, où I. avait participé au Tribunal pénal international, et en Afrique du sud d’où sa femme et ses enfants avaient pu s’exiler en Angleterre, alors qu’I. restait bloqué au Cap.

C’était en 1999. Je terminais mon DEA à Paris. J’avais envoyé à I. une importante somme d’argent afin de faciliter ses démarches pour rejoindre la Grande-Bretagne. Et cela lui avait effectivement permis de retrouver sa femme et ses deux fils à Londres où ils s’étaient installés.

Fin août 2002, convention nationale de science-fiction française à Tilff-Esneux, en banlieue liégeoise. J’avais abandonné pour une journée la convention et mes amis de la Gang lyonnaise pour retrouver I. que je n’avais plus vu depuis dix ans, de passage en Belgique, et qui tenait à me rembourser de l’argent prêté alors qu’il était en Afrique du Sud. Indescriptibles retrouvailles.

Cet après-midi, à l’occasion d’un séjour professionnel à Montréal, je me suis rendu au cimetière Shaar Hashomayim du mont Royal. En me recueillant sur la tombe de Leonard Cohen, mes pensées se figèrent d’abord sur les grandes atrocités du siècle passé, deux génocides, celui des Juifs dans les années 1940, mais aussi celui qui avait fait s’entre-tuer mes frères africains dans les années 1990. Pourtant, guidées par la voix grave d’un Hallelujah s’exprimant dans ma tête par mes seuls souvenirs auditifs, elles s’élevèrent vers les Cieux, me faisant prendre conscience avec acuité de la beauté de la vie, qui est si belle parce qu’elle est si fragile, de l’importance de la spiritualité et de la force de l’amour.



Mercredi, le 9 mai 2018
Intelligence artificielle et salade russe
Hier soir, sur le site de l’Université Lyon 3, a eu lieu le débat de clôture de Pop’Sciences Forum : « Intelligence artificielle, demain commence aujourd’hui ». Après une présentation d’Olivier Nerot sur les difficultés à tracer des frontières entre le vivant et le non-vivant, ce dernier a été rejoint par Jean-Claude Dunyach et Sylvie Allouche pour une table ronde. Après un démarrage troublé par le robot dinosaure de la fille de Nerot, les différents intervenants ont présenté leurs visions du futur de l’IA. Le débat a assez vite dérapé pour passer trop rapidement sur les points intéressants du sujet (qui sont revenus brièvement dans les remarques et les questions de la salle, à la toute fin) pour aborder des sujets assez éloignés tels que le transhumanisme, la notion de singularité ou la vallée dérangeante...
À titre personnel, c’est plutôt le transhumanisme qui me dérange. Je préfère de loin la vision de Joël de Rosnay sur l’hyperhumanisme.
C’est du moins ce que je vise dans mes propres travaux de recherche dans le domaine de l’IA où la finalité est de favoriser la diversité (en particulier au niveau culturel), de croiser les regards (entre les différentes disciplines scientifiques), de s’ouvrir aux autres… bref, d’être plus humain.
Mais bon, cette soirée aura quand même été l’occasion de revoir quelques membres lyonnais de la Gang : Sylvie Lainé et Nicolas Le Breton. Il faut dire que le groupe a un peu explosé avec les départs des uns et des autres aux différents coins de la France (en région parisienne, au sud, au nord, dans l’ouest), voire dans le reste de la francophonie (Suisse, Canada).
Tiens, petit message personnel à celui qui fut le Capitaine de la Gang, le désormais bordelais André-François Ruaud qui travaille dans la traduction de l’anglo-russe des mémoires d’un certain détective : hier après-midi, je n’ai pas pu me rendre chez moi et j’ai dû faire un gros détour parce que le Prince Charles et la duchesse Camilla sont allés faire des dégustations à quelques pas de chez moi, aux Halles Bocuse. Quel rapport avec l’intelligence artificielle ? A priori aucun si ce n’est qu’au cours de son histoire, l’IA a connu de nombreux « hivers ». Un exemple frappant présenté comme un échec de l’IA concernait les problèmes de la traduction automatique (il faut remonter au temps de la guerre froide et à l’époque où la DARPA finançait largement les laboratoires de recherche en IA aux États-Unis). Une phrase en anglais telle que « l’esprit est fort, mais la chair est faible » passée de l’anglais au russe, puis du russe à l’anglais revenait sous la forme de « la vodka est forte, mais la viande est avariée ! »

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